Depuis plusieurs mois, la France vit une crise sanitaire, économique mais aussi managériale sans précédent. Confinement oblige, les entreprises ont été désorganisées par les arrêts maladie, l’arrêt de la production et le télétravail forcé. Les salariés ont dû, du jour au lendemain, trouver des alternatives pour organiser leur vie professionnelle tandis que leurs managers ont, eux, déployé des trésors d’inventivité pour superviser et motiver leurs équipes à distance. De quoi préfigurer ce qui nous attend dans le monde d’après-crise ?
À l’occasion de la fin du déconfinement progressif, la Fondation Jean Jaurès a publié une étude sur le sujet, intitulée : « Le management est-il mort ? L’avenir des RH à l’ère du télétravail » dans laquelle elle dépeint les grandes lignes de ce nouveau management et formule dix recommandations aux managers afin de bien digérer la transition. Un management « collectif, humble, empathique » qui « ne pourra pas se contenter de calquer des méthodes issues d’une époque où l’on ne risquait pas sa vie et celle de ses proches en sortant de chez soi », souligne le rapport.
QUELS ENSEIGNEMENTS LES MANAGERS PEUVENT-ILS TIRER DE CETTE CRISE ?
La crise a montré que le leadership vertical est difficile à entretenir avec la distance. Ce qui a un poids en distanciel, c’est plus la confiance et la collaboration que l’autorité et le contrôle. En effet, la pandémie a conforté chez nous l’importance de « l’empowerment », ce concept qui vise à donner du pouvoir au collaborateur, au plus près du terrain et ce quel que soit son niveau hiérarchique. Concrètement, cela consiste à mettre chaque salarié en situation d’autonomie pour prendre des initiatives et décider.
Le leadership vertical a montré ses limites, car il a tendance à gêner et à restreindre l’apprentissage, quand nous nous trouvions à une période où nous avions besoin que tout le monde soit réactif et flexible. Sur ce point, les managers qui ont maintenu une certaine horizontalité dans leur équipe, se sont beaucoup mieux adaptés à la crise. La verticalité a aussi la fâcheuse tendance à limiter la question de la confiance. Les collaborateurs suivent la personne parce qu’ils doivent le faire, et non pas parce qu’ils lui font confiance. Or, la confiance est un élément capital de la résilience, et donc de la réactivité en période de crise.
La crise est un véritable plaidoyer pour un leadership plus horizontal, plus participatif, et moins autoritaire. Dans le leadership partagé, l’influence et le pouvoir décisionnel sont partagés entre le manager et ses collaborateurs, afin d’atteindre un objectif commun. Ainsi, tout en maintenant le lien d’autorité, tous sont solidairement responsables des efforts entrepris et des résultats. Les salariés se partagent conjointement certains rôles et activités de leadership en fonction de leurs compétences, pour atteindre un but commun.
Ce style de leadership transcende la notion même de collaboration, puisque l’influence et le leadership de tous sont mis à contribution. Dans une logique de responsabilisation, de délégation, de co-construction et d’intelligence collective. Avec des chefs d’équipe jouant un rôle de “facilitateurs”.
VERS UN LEADERSHIP PLUS PARTICIPATIF ?
Le professeur Henry Mintzberg, de l’Université McGill à Montréal, spécialiste en management, défend l’idée d’un “leadership caché”, qui devrait autant que possible se pratiquer de manière feutrée et camouflée. Plutôt qu’un manager qui donne des ordres et dirige, il s’agit d’un leadership horizontal, où le chef d’équipe a pour rôle de favoriser la collaboration, la coopération et l’apprentissage (collectif). Il n’en demeure pas moins chef d’orchestre, mais il se met au service de son équipe, à l’écoute de ce dont les salariés ont besoin. Sans considérer qu’ils n’ont pas envie de travailler, mais en leur faisant confiance. En partant du principe qu’ils ont besoin de peu de direction et de supervision, et qu’ils recherchent surtout du soutien et un accompagnement bienveillant.
Au moment du retour au bureau, les collaborateurs seront la plupart du temps contents de retrouver leurs collègues. Attention à ne pas les décevoir ! Il faudra continuer à leur faire confiance. Il ne s’agira pas de se transformer en “GO”, organisateur d’afterworks et de déjeuners d’équipe, mais de cultiver une cohésion d’équipe seine. Pas question de ne plus leur donner des tâches : ils ne seront pas réfractaires à avoir un manager, mais à avoir un “petit chef” accroché à son leadership.
C’est l’occasion pour les managers de dresser un bilan, en se demandant de quoi ils sont satisfaits quant à ce qu’ils ont fait jusqu’à maintenant, et ce qu’ils pourraient améliorer. Car c’est le moment rêvé pour se réinventer, au moins en partie, en étant plus participatif, plus horizontal et plus collaboratif. Sans uniquement chercher à être bienveillants. Car la bienveillance nécessite, pour se révéler réellement, de mettre son égo de côté, loin de son statut de “manager” et du lien de subordination qui le caractérise. Donc, de partager son leadership.
ACCOMPAGNER LES MANAGERS VERS LEUR NOUVEAU RÔLE
Cela passe entre autre par la mise en place des programmes d’accompagnement des managers, qui sont importants, avant même de parler de formation, pour leur permettre de partager des expériences entre eux. Les programmes de formation leur permettent aussi de monter en compétences ; en développant de nouveaux savoirs-faire, techniques (managériaux) mais aussi comportementaux, qu’ils ne mobilisaient pas forcément jusqu’ici.
L’accompagnement des managers sur le plan du leadership doit faire partie prenante de l’action de l’entreprise. En ce sens, des ateliers de partage d’expérience entre pairs, ainsi que les formations aux soft skills et à la prévention des risques psychosociaux peuvent être mis en place.
Demain, les managers devront aussi inviter les salariés, qui resteront dans un état mental fragile, à revenir au bureau. Et les aider à rester motivés. Ce qui nécessitera des habiletés et des aptitudes finalement assez identiques à celles qu’ils auront développées pendant la crise. Le changement ne sera pas radicalement différent pour eux. Mais ils devront continuer de déployer leurs compétences face aux risques psychosociaux, et leurs capacités d’écoute. Les autres cadres, et les salariés eux-mêmes devront changer de posture, vis-à-vis de leurs collègues et même de leurs propres managers, sur qui l’on ne pourra pas se reposer entièrement pour changer les choses en matière de qualité de vie au travail.
LES 10 PROPOSITIONS DE LA FONDATION JEAN JAURÈS POUR DESSINER LE MANAGEMENT POST-CRISE
- Instaurer un entretien de retour pour chaque salarié
- Nourrir le besoin de sens
- Envoyer le boss en première ligne (management participatif)
- Intégrer le télétravail comme nouvelle modalité d’organisation du travail
- Créer une charte des aidants familiaux
- Cesser d’ignorer la pénibilité
- Alléger le management dans le secteur public
- Promouvoir une économie plus solidaire
- Renforcer l’accès à la formation
- Écrire de nouvelles règles
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