La bouteille à l’encre de Zemmour
A six mois des élections présidentielles, en dehors de la stabilité imperturbable du score d’Emmanuel Macron entre 23 et 25%, c’est la bouteille à l’encre chez tous ses concurrents et parmi ceux qui veulent prétendre à la magistrature suprême.
Mais quand on sait qu’aucun président de la République depuis le général de Gaulle n’a été réélu, sauf s’il a été condamné à une cohabitation, on peut se dire que rien n’est encore joué.
Zemmour fait tout exploser
Le fait nouveau dans la campagne à M-6, c’est la confirmation d’Éric Zemmour au cœur du champ politique. Donné à 7, puis à 10 et maintenant à 15% d’intentions de vote au 1e, le trublion médiatique fait dégringoler Marine Le Pen dans un sacré trou d’air (16/18%) et devance désormais le candidat des Républicains, quel qu’il soit. Le succès du non mais peut-être candidat vient de sa capacité à dire des choses qu’une partie importante des Français veulent entendre, de l’espace qui lui est laissé à droite chez les Républicains avec le renoncement de Wauquier et du sentiment partagé que Marine Le Pen n’y arrivera jamais.
Déjà au bord de la crise de nerf, les Républicains sont au bord de l’explosion : Xavier Bertrand a réussi à torpiller la primaire ouverte en se ralliant au verdict d’un Congrès et d’un vote des militants, mais veut maintenant vider ce Congrès de son sens en se faisant investir aux applaudissements. Sauf qu’il est englué autour de 15% d’intentions de vote et n’a pas créé de différence avec ses concurrents, Valérie Pécresse et Michel Barnier. Alors, pourquoi lui tendre les clefs de l’Elysée ?
Il n’a plus de fatalité
Également au bord de la crise de nerf, le malheureux Christian Jacob doit prier tous les soirs pour que François Baroin revienne sur sa décision, qui n’a d’ailleurs jamais été expressément formulée. Maintenant que l’on sait que le duel annoncé Macron/Le Pen n’est plus une fatalité, il y a de la place à droite pour un leader charismatique capable de rassembler et de mettre tout le monde derrière lui. Il y a de la place, mais y a-t-il de l’envie ?
Après avoir siphonné les voix du malheureux Dupont-Aignan, Éric Zemmour s’est attaqué à celles de Marine Le Pen, qu’il cueille avec délectation. Si la patronne du Rassemblement national passe dans les sondages derrière le polémiste des plateaux, il y a fort à parier que sa chute s’accélère, car son électorat s’impatiente, après la sixième candidature de la famille Le Pen. Que fera alors Éric Zemmour le jour où il sera assis sur un matelas de 20% ? Se jettera-t-il dans l’arène brûlante, ou travaille-t-il dans l’ombre pour ouvrir la voie à quelqu’un ? Ce quelqu’un pourrait être Marion Maréchal si elle avait six ans de plus…
Et la gauche dans tout ça ?
La gauche, quelle gauche ? Pulvérisée, éparpillée façon puzzle comme aurait dit Audiard. Dans le dernier sondage IFOP (1e octobre 2021), le meilleur de ses candidats, Jean-Luc Mélenchon, ne dépasse pas les 9%, ce qui le met en 5e place, à égalité avec le vert Yannick Jadot, qui se sort miraculeusement de son combat contre l’écologie extrême. Et quand on sait que la candidate du PS, l’inénarrable Anne Hidalgo, arrive tout juste dépasser la barre des 5%, ce qui est le seuil du remboursement, on se dit qu’on est tombé bien bas au royaume de Solférino. L’ensemble des candidats de gauche ne dépassant pas les 25% d’intention de vote, nous voilà revenu dans son étiage des années post 1968, les années noires du socialisme.
En dehors de l’élimination certaine de la gauche, rien n’est encore joué pour 2022. Ce qui est certain, c’est la victoire d’un candidat de droite : un président sortant qui verrouille toujours une partie d’un l’électorat libéral et conservateur, un candidat soutenu par les LR s’il arrive à accrocher un 2e tour face au sortant dont le bilan sera squelettique, un Zemmour s’il arrive à entrer dans le costume d’un homme d’Etat qu’il n’est pas encore, lui qui n’est même pas candidat. A suivre…
Pierre Prévot-Leygonie